"[...] Definizione: Quando alcuni corpi di grandezza eguale o diversa sono premuti da altri corpi circostanti in modo che aderiscano gli uni agli altri, o, se si muovono con velocità eguali o diverse, in modo che si trasmettano a vicenda il loro movimento secondo un rapporto determinato, diremo che quei corpi sono uniti gli uni agli altri e che tutti insieme compongono un solo corpo, o Individuo, che si distingue dagli altri grazie a questa unione, o coesione, di corpi minori [...]" (Spinoza, Etica)"

AC/BEL AUJOURD’HUI N°13… EPIPHANEIA, testo di Jean Deloche (testo in francese)


a c b , s c è n e n a t i o n a l e , l e t h é â t r e , 2 0 r u e T h e u r i e t - 5 5 0 0 0 B a r - l e - D u c . T é l : 0 3 2 9 7 9 4 2 7 8
A C B SCENE NATIONALE DE BAR-LE-DUC
S A I S O N 13 14
Offrir des entretiens inédits avec les artistes, des analyses originales sur
les oeuvres présentées, les partis pris proposés. Tels sont les objectifs de
l’ac/bel aujourd’hui que nous vous proposons plusieurs fois au cours de la saison.
AC/BEL AUJOURD’HUI N°13

SOPHIE USUNIER
EPIPHANEIA
du 8 janvier au 5 avril 2014
à l’Office de tourisme 7 rue Jeanne d’arc
du lundi au samedi de 10h à 12h30 et de 14h à 17h


Epiphaneia de Sophie Usunier
ou l’oeuvre miroir de tous nos regards
par Jean Deloche
« Il faut que chaque monade soit différente de chaque autre. Car il n’y a jamais dans la nature deux
êtres qui soient parfaitement l’un comme l’autre et où il ne soit possible de trouver une différence
interne » écrit Leibniz dans sa Monadologie. De fait aucun grain de la grappe-miroir proposée par
Sophie Usunier n’offre au spectateur une perspective identique, aucune boule ne reflète le monde
de la même manière. Statique ou mobile autour d’une oeuvre elle-même en rotation, chaque spectateur
se voit et découvre son voisin sous un angle unique. Ainsi va l’Univers, combinatoire infinie d’atomes
séparés par d’infimes variations !
Sophie Usunier joue avec une formule désormais convenue de l’art contemporain : c’est le regard
du spectateur qui fait l’oeuvre. Mais elle retourne ironiquement la formule puisqu’ avec Epiphaneia
c’est aussi l’oeuvre qui fait le spectateur : toutes les sphères semblent nous regarder, nous détailler,
suivant des orientations différentes.
Mais ce relativisme du regard est pourtant tempéré par une composition d’ensemble. Si chacune
des perspectives proposées est singulière, toutes semblent se combiner pour former un point de
vue universel auquel rien n’échappe. On peut risquer ceci que l’oeuvre est la somme des points de
vue de tous les spectateurs qui entreront sous la tente pendant la durée de l’exposition. Pour citer
encore Leibniz : chacun percevant l’univers différemment « il y a autant de différents univers, qui ne
sont pourtant que les perspectives d’un seul ».
Le Monde de Sophie invite donc à un certain vertige métaphysique, mais interroge aussi très concrètement
le mode d’existence des objets manufacturés. Rappelons-nous l’installation Les vents contraires
présentée dans cette même salle il y a quelques années : elle associait de simples ventilateurs à
des manchons à air. Sophie Usunier y affirmait déjà son goût pour les perspectives puisque chaque
visiteur pouvait se laisser guider par un vent différent. Avec Epiphaneia l’artiste s’amuse cette fois
avec un objet au symbolisme très connoté : « la boule de Noël ». Objet un peu « kitsch » qui peut
provoquer aussi bien le rejet du trop vu (surtout en ce temps d’après les fêtes !) qu’une certaine
connivence voire une fascination certaine en raison de la puissance hypnotique et narcissique
qu’exerce sur nous la multiplication de ces miroirs sphériques. Miroirs qui, non content de nous
renvoyer notre image, se réfléchissent aussi les uns les autres ! Ludique et ironique, l’installation
est clairement animée par une intention plastique, comme si l’objet, séparé de son contexte festif et
consumériste, pouvait retrouver sa puissance esthétique et symbolique.
Avec Epiphaneia Sophie Usunier joue avec les emboîtements, les oppositions. La forme de la tente
épouse la forme de la salle d’exposition conçue comme un reliquaire qui s’ouvre sur une châsse
plus petite au sein de laquelle repose l’objet sacré. Entrant dans la salle, le spectateur est d’ailleurs
invité à faire le tour de la tente avant de pouvoir pénétrer dans le Saint des Saints. Au centre, l’oeuvre
suspendue est à la fois lumineuse (concrétion de perles précieuses) symbolique (microcosme du
cosmos) et dérisoire (agrégat d’objets de décoration) ; quant au reliquaire il est une simple tente de
réception achetée sur catalogue. Une tente qui suggère l’intimité alors que les boules en rotation
invitent nos sens et notre esprit à s’ouvrir vers l’infini.
Et si l’emploi du mot grec Epiphaneia célèbre les fêtes païennes du retour à la lumière, la tente
- habitation nomade et précaire - dans laquelle l’artiste nous invite à pénétrer, fait irrésistiblement
songer à une autre «apparition» : celle qui nous transforme en santons d’argile, rois mages ou
modestes bergers, ou, peut-être, si nous acceptons de nous laisser étonner par l’artiste, en simples
« ravis » de la crèche remplis de joie et de reconnaissance. C’est la grâce que je vous souhaite...
Bar-le-Duc, 7 février 2014







Sophie Usunier
L’oeuvre de Sophie Usunier (vit et travaille en Italie et en Lorraine) est peuplée d’images et d’objets du
quotidien qu’elle met en circulation de manière à déstabiliser les repères archétypaux de nos sociétés.
Il s’agit de cellules primordiales mises ensemble pour ne former qu’un - une recomposition - comme
dans l’installation Promemoria (2009) où elle modifie l’espace en tapissant les murs de post-it, ou
dans l’oeuvre Phishing (2008) où elle joue à séduire (par la couleur) et à « accrocher » (par l’hameçon) le
spectateur. Avec Les Empaillés (2004-2009), vieux vêtements bourrés de paille et cousus ensemble,
Sophie Usunier compose un corps collectif « génétiquement modifié ».
Avec la vidéo Dénouement, 2003, Sophie Usunier s’intéresse aux gestes élémentaires qui plongent
l’artiste dans un rituel rassurant et le spectateur dans un état de recueillement. Avec les vidéos
Whirling Derwish Flies, 2008, et Intermezzo, 2009, l’artiste utilise la lenteur des images pour
favoriser l’observation et la contemplation et développer la réflexion. Enfin, avec les séries de
photographies Past perfect, 2008-2010, et Present continuous, 2009-2011) c’est la précarité de
l’existence qui est mise en scène.